ZLECAF : A quand le démarrage du projet de libre-échange continental ?
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Le 36ème sommet des Chefs d’États de l’Union africaine (UA) s’est achevé le dimanche, 19 février 2023, laissant un sentiment mitigé. Et pour cause, l’on attendait beaucoup de ce sommet, au sujet notamment des modalités du démarrage effectif de la plus grande zone de libre-échange au monde, de par le nombre de pays participants, la ZLECAF.

La ZLECAF est un projet de Zone de Libre-Echange Continentale Africaine. Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2021, elle fait encore face au manque d’une réelle volonté politique. Alors, à quand donc le démarrage de ce projet de libre-échange annoncé pour stimuler le commerce intra-africain ?

L’Union africaine reste théorique sur la question…

Alors que le thème de l’année de l’Union africaine pour 2023 est : « l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord de la zone de libre-échange continentale », l’opinion publique avait cru finalement au décollage du projet de la ZLECAF au terme des travaux du 36e sommet des Chefs d’Etats de l’UA du 18 au 19 février 2023 à Addis-Abeba en Éthiopie, siège de l’Institution. Mais, aucun démarrage à court terme n’a été annoncé. La Conférence a plutôt adopté le rapport portant sur l’avancée du projet ; a rappelé la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) telle que prévue dans le projet phare de l’Agenda 2063 de l’UA ; a adopté la note conceptuelle et la feuille de route sur le thème de l’année 2023 de l’UA ; a souligné le besoin que la mise en œuvre de la ZLECAF est une étape essentielle vers l’intégration économique de l’Afrique ; a demandé que les fonds nécessaires soient mis à disposition pour le thème de l’année ; a chargé, entre-autres, le Secrétariat de la ZLECAF d’intégrer le lien entre commerce et santé dans la mise en œuvre du thème de l’année 2023 et dans la réalisation de la mise en œuvre accélérée de la ZLECAF.

Il a été aussi demandé aux organes de l’UA, aux Communautés économiques régionales (CER), aux institutions, aux représentations permanentes et aux bureaux techniques spécialisés concernés de soutenir la mise en œuvre du thème de l’année 2023 et de la stratégie globale d’engagement du secteur privé de la ZLECAF et de veiller à ce qu’elle soit mise en œuvre sur tout le continent et au-delà. Il a été aussi question de suivre et de coordonner la mise en œuvre dudit thème jusqu’à la cinquième réunion de coordination semestrielle et la 37è session ordinaire de la Conférence.  Il n’y a jusqu’ici, aucune date annoncée de démarrage pour ce projet important.

La révolution économique de l’Afrique se fera avec la ZLECAF

L’un des objectifs généraux de cette initiative inscrite dans l’agenda 2063 de l’UA, est de « poser les bases de la création d’une union douanière continentale à un stade ultérieur », où les Etats parties appliqueront un tarif extérieur commun.  Elle est conçue de manière appropriée pour approfondir l’intégration, favoriser le commerce et l’investissement, améliorer la mobilité des capitaux et de la main-d’œuvre, soutenir l’industrialisation et le développement d’un secteur des services dynamique. Elle présente un énorme potentiel de réduction de la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’extérieur.

Si la ZLECAF est effectivement mise en œuvre, le commerce intra-africain devrait être environ 35% plus important d’ici 2045 et réduire le déficit commercial du continent de 51%. Des gains importants sont attendus dans tous les principaux secteurs, ainsi qu’un fort potentiel de promotion de l’industrialisation. L’Afrique sera transformée et dotée d’un marché davantage robuste, attractif et prévisible.  A titre illustratif, le commerce intra-africain pourrait augmenter d’environ 40% dans l’agroalimentaire, l’industrie et les services et d’environ 16% dans l’énergie et les mines. Pour Vera Songwe, Chef de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, « la Zone de libre-échange et l’intégration de l’Afrique contribueront à faire taire les armes ». Pour libérer le potentiel inexploité, il convient de s’attaquer avec succès aux diverses barrières non tarifaires intra-africaines, notamment les mesures non tarifaires coûteuses, les lacunes en matière d’infrastructures et d’informations sur les marchés.

Signalons que l’accord établissant la ZLECAF a été adopté le 21 mars 2018 ; En ce temps-là, 24 pays avaient déposé leurs instruments de ratification. En mai 2022, il y avait 54 signatures dont 43 avaient déposé leurs instruments de ratification. La phase opérationnelle de la ZLECAF a été lancée lors de la 12è session extraordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine sur la ZLECAF à Niamey, au Niger, le 7 juillet 2019. Les échanges commerciaux proprement dits dans le cadre de l’accord ZLECAF ont débuté le 1er janvier 2021. Notons que le Bénin, la Gambie et les Seychelles sont les seuls pays africains qui autorisent l’entrée sans visa à tous les africains.  Le Cameroun, quant à lui, a ratifié l’Accord en octobre 2019 et, suit à son rythme, la stratégie nationale de mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine du Cameroun 2020-2035.  Il avait été choisi, tout comme le Ghana (abritant le siège), l’Egypte, le Kenya, l’île-Maurice, le Rwanda, la Tanzanie et la Tunisie pour le démarrage de la phase opérationnelle du projet.

L’Afrique fait pourtant face à une kyrielle de problèmes économiques

Selon le rapport économique sur l’Afrique 2021 de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique, le commerce intra-africain actuel reste faible et ne représente qu’environ 15%. Bien plus, les exportations extra-africaines, qui se concentrent sur les combustibles et autres matières primaires, ne sont pas de nature à soutenir durablement la croissance de l’Afrique. A tout ceci, s’ajoute le déficit de la balance commerciale africaine qui est de 375,4 milliards de dollars des exportations contre 509,8 milliards de dollars des importations ; ce qui traduit une dépendance continue à l’égard des exportations de produits de base à faible valeur ajoutée et des importations de produits manufacturés à forte valeur ajoutée. La vulnérabilité du continent aux chocs extérieurs est ainsi accentuée. La proportion de la population en Afrique vivant en dessous du seuil de pauvreté est de 34,1% en 2021 selon la Banque africaine de développement. A quand donc le démarrage du projet de libre-échange continental ? Seule la volonté politique des Chefs d’Etats de l’Afrique fera bouger les lignes.

Arnaud Noël Fosso

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