LITTÉRATURE « Ambatomanga, Le silence et la douleur » de Michèle Rakotoson
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La littérature c’est de la subjectivité portée à l’absolu, un travail d’orfèvre réalisé par un auteur qui plonge sa plume dans l’encre pour narrer un fait historique ou alors exprimer son point de vue. Ainsi dans son roman intitulé « Ambatomanga, Le silence et la douleur », l’écrivaine malgache Michèle Rakotoson raconte les affres de la colonisation française à Madagascar, à la fin du XIXè siècle, à travers le regard d’un esclave malgache et d’un jeune officier français.

« Le rôle de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent », disait le penseur français Jean Paul Sartre. À l’aune de cette maxime, un écrivain doit jouer le rôle d’éveilleur de consciences, un phare qui illumine la société pour qu’elle ne sombre pas dans les travées de l’oubli et de l’inaction. C’est en tout cas ce que fait Michèle  Rakotoson qui feuillete les pages de l’histoire de son île natale : Madagascar.

En octobre 1894, dans son entreprise impérialiste, la France s’apprête à envahir la Grande île. Toutefois, le subterfuge scandé est « d’aider les pays arriérés à sortir de l’état sauvage dans lequel ils baignent tous et d’apporter la civilisation dans les terres lointaines », écrit Michèle Rakotoson dans son œuvre romanesque. Elle dépeint avec horreur, les conséquences néfastes de la colonization. Face à l’arrivée imminente des français, les malgaches se sont recroquevillés en s’accrochant à l’autorité de leur reine, Razafindrahety. Croyant en un être suprême, ils espéraient la miséricorde divine, nous informe la romancière.

Haro sur la colonization

D’une page à une autre, Michèle Rakotoson décrit le champ lexical des brimades et des violations subies par les Malgaches. Elle précise « C’est qu’un premier affrontement, en 1885, a marqué les esprits et battu en brèche la souveraineté nationale, laissant place à un protectorat de fait. La perspective d’un conflit encore plus définitif alimente tous les fantasmes : le blanc, ses armes, sa puissance, son argent faisaient peur, très peur. La terreur gagnait tout le monde. » La particularité de cet ouvrage est que l’auteure fait son récit avec un style flamboyant qui tient en haleine le lecteur. Avec des lettres bien choisies, elle dévoile le destin de ses compatriotes du XVIIè siècle embourbés dans les nasses de la barbarie française. Michèle Rakotoson a mis en place une vaste fresque dans laquelle elle s’intéresse à la guerre, ainsi qu’aux bouleversements socio-économiques et psychologiques qu’elle suscite.

Le lecteur plonge avec la romancière dans le psychisme de ses personnages, à travers celui de Félicien Le Guen, convaincu de la splendeur de sa mission, puis peu à peu conscient de l’erreur commise par sa lointaine hiérarchie parisienne sur l’aberration de la guerre coloniale. « Durant neuf mois, dans un camp comme dans l’autre, les soldats se retrouvent confrontés tour à tour aux fortes chaleurs tropicales, aux déplacements laborieux dans des zones marécageuses infestées de moustiques. Ils subissent la famine, meurent de maladie avant même l’entrechoc des armes et surtout se révèlent les otages d’une situation profondément absurde qui n’est pas sans rappeler certains conflits actuels ». À lumière de ce roman, l’on découvre l’absurdité des guerres coloniales menées par les occidentaux, notamment la France. Avec une bonne dose de réflexion, l’écrivaine dénonce tout monopole civilisationnel engendré par une nation. Elle prône de ce fait le respect et l’égalité des races.

Yahaya Idrissou

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